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Bitume et Brun de momies

« Traité complet de la peinture, volume 9 » ; Paillot de Montabert, Jacques Nicolas, 1771-1849 : Articles sur le « bitume », et le « brun de momies »:

Asphalte ou bitume de Judée
L’asphalte sort liquide du fond du lac Asphaltide, situé en Judée, d’où il tire aussi le nom de bitume de Judée; il s’élève à la surface de l’eau , où il se dessèche par l’action combinée de l’air et du soleil.
Cette substance est une espèce de poix minérale, susceptible d’acquérir un certain degré de consistance : les volcans souterrains opèrent ce que nos procédés chimiques parviennent quelquefois à imiter. Notre poix noire , ou goudron, est une espèce de bitume artificiel, que l’art peut dégager de toute substance hétérogène et nuisible; mais, jusqu’à présent, rien n’a détourné de la préférence que les peintres donnent au véritable asphalte.
L’asphalte est souvent falsifié avec le pissaphalta , ou le maltha , poix ou bitume moins solide dont les Asiatiques enduisent leurs murailles, et dont l’odeur tient le milieu entre la poix et le bitume; il faut donc choisir l’asphalte cassant, d’une surface brillante, polie et presque noire. Pline dit qu’il faut le choisir brillant et lourd, parce que celui qui est léger a été sophistiqué avec de la poix. Mais une bonne preuve que l’asphalte n’a point été sophistiqué, c’est quand, en le cassant nettement, on n’y découvre point de bulles, et qu’en outre il fait voir des ondulations dans ses cassures; en effet, ces ondulations proviennent du mouvement qu’il a éprouvé sur les flots de la mer, lorsqu’il était encore liquide; ensuite , il a conservé dans l’état concret cette forme de cristallisation. Si, au contraire , il a été fondu et altéré, il a pris un autre caractère de contexture en se refroidis- sant , et ses molécules se présentent à l’œil dans un état de désordre.
Le vrai bitume doit être odorant, et rester bien lié lorsqu’il est prêt à se fondre.
Il est évident que cette couleur a été employée par les Vénitiens dans les temps les plus anciens.
«Le bitume de Judée, dit R. Boschini, est appelé « noir de spalte » (pour dire noir d’asphalte). Il flotte sur le lac de Sodome, et se coagule sur le rivage, où il se durcit : on colorie à huile avec cette couleur.» p207, édition de Florence 1584.
Abraham Bosse vantait , vers le milieu du 17″ème siècle, l’excellence de l’asphalte , qu’il appelle aussi spalt, nom qu’il conserve encore en Italie; mais cent ans plus tard, Leblon, élève de Carl. Maratti disait positivement « que l’asphalte est une couleur que l’on ne connaît pas en France. » Ce fut au commencement du 19ème siècle que quelques jeunes peintres de Paris en essayèrent sur leurs palettes; mais les peintres plus anciens n’en firent point usage : David ne s’en est jamais servi.
Plusieurs chimistes font peu de cas aujourd’hui de l’asphalte, et doutent de sa solidité; mais il y a beaucoup de choix à faire dans les espèces d’asphaltes qui se présentent dans le commerce; et il faut observer de plus que rien n’empêche d’y associer soit du noir d’ivoire, soit du brun de Prusse, qui , sans altérer sa transparence, en rendra la teinte fixe et durable. Les peintres qui cherchent la transparence et la magie l’aiment beaucoup; ceux qui empâtent, et forcent les tons par des noirs durs, s’en passent volontiers, et aiment à faire révoquer en doute sa fixité : d’autres , indifférents sur l’effet que procure cette couleur forte et translucide, la délaissent par routine, ou ne l’emploient que dans certains cas, par glacis et pour ajouter de la force à certains tons de leurs tableaux.
Il est évident que Tiziano , Giorgione , Paul Véronèse , etc. , employaient l’asphalte jusque dans les couleurs claires , ce qui procure des demi-teintes légères et magiques. Cependant, les Flamands s’en méfièrent; ils préférèrent une certaine laque brune alors en crédit; mais ces préférences ne furent jamais bien motivées. Hagedorns nous dit, par exemple, que l’asphalte embellissait les peintures de Manyocks , et qu’il altérait celles de Joseph Grespi , qui employait cette couleur pour les clairs. On sera d’accord, si, comme je viens de le dire, on ne choisit que celui qui aura été éprouvé à la lumière du soleil, et qui aura été mêlé d’un peu de brun de Prusse et d’un peu de noir d’ivoire.
Le bitume est une substance analogue à la houille , au charbon de terre, au jeai; et s’il est vrai qu’il provient de végétaux réduits en état de bitume concret , il est vraisemblable qu’il doit y en avoir dont la teinte est plus ou moins fixe et solide. On en a trouvé dans le comté de Neufchâtel, en Suisse. M. Rey a fait, à Paris, des expériences sur les diverses variétés de bitume , et il en a distingué qui étaient extrêmement fixes , solides , et très propres à être apprêtés pour la peinture.
Pour préparer l’asphalte, il convient de le liquéfier au feu, et d’y introduire de l’huile dans l’état chaud. On prend un petit pot vernissé, on le place sur un feu doux, et l’asphalte qu’il contient se fond peu à peu. On y ajoute un peu d’huile volatile d’aspic et de l’huile dessicative dite huile grasse; et comme cette couleur résineuse serait trop fluide, on y ajoute un peu de cire, pour la rendre moins coulante. On remue le tout et on évite l’ébullition. La présence de l’huile d’aspic est préférable à la présence de l’huile de térébenthine. Quant à la présence de la cire, elle n’est pas sans inconvénients, et je pense que l’addition du brun de Prusse peut en dispenser. On devrait d’ailleurs préférer le spermaceti et ajouter un peu de cristal pilé.
Cette couleur est très précieuse pour les coloristes, en ce qu’elle est diaphane et favorable aux glacis. Cependant, l’emploi du copal est préférable, en ce qu’il permet de faire usage de bruns et de noirs dont la fixité est éprouvée.

Brun de momies.
De nos jours, avant qu’on employât l’asphalte, on imagina de recourir au brun des momies , et cet exemple avait été donné par les Egyptiens mêmes. Cette couleur , qui coûte fort cher en Europe, a eu peu de crédit. Quelques personnes se persuadèrent que la transparence de cette couleur étant due à la présence de l’asphalte , selon elles, il était inutile d’avoir recours à la momie, puisque l’asphalte est à notre disposition. D’autres croient, au contraire, que les Egyptiens n’usaient point d’asphalte pour leurs embaumements, mais bien d’une autre résine. L’analyse d’une momie, faite à Londres, en 1 763, fit reconnaître qu’il ne s’y trouvait point d’asphalte, mais une résine végétale. (Voyez les Transactions philosophiques , tome. Ier.) On ne dit point si l’on y trouva du napht concret ou mou , ainsi qu’on en trouve dans un grand nombre de momies. On peut supposer qu’on n’a employé , pour les embaumements, que des résines vulgaires, et que le napht, qui est si abondant en certaines régions, a dû être consacré au même objet. Au reste, il n’est guère prudent d’employer sans nécessité ces débris de cadavres, qui doivent contenir de l’ammoniac et des parties grasses concrètes, qui pourraient plus ou moins endommager les couleurs auxquelles on les associerait. Voyez , sur le bitume , les Mémoires de l’Académie , tom. IX.